I. La France, l’Etat et la nation
En
tant qu’entité juridique et politique, la France naît en 843 du
partage de l’Empire constitué par Carolus magnus (Charlemagne dans les
généalogies royales françaises, Karl der große, dans les généalogies
impériales allemandes, Karel de grote pour les pays néerlandophones,
chaque pays concerné le considérant comme un souverain national !).
En
840 était décédé Louis le pieux, fils de Carolus lui-même mort en 814,
et, selon ce que l’on pourrait appeler les lois fondamentales franques
qui avaient été appliquées depuis que Clovis avait pu stabiliser un
pouvoir royal sur un territoire relativement déterminé, les terres de
l’Empire devaient être partagées entre ses enfants mâles.
Aux termes des dispositions qui avaient été prises du vivant de Louis le pieux, l’aîné, Lothaire, aurait dû recevoir la dignité impériale et l’administration directe d’un territoire allant du Benelux actuel à l’Italie. Ses frères puînés devaient recevoir des territoires à l’ouest et à l’est du Royaume de Lothaire, (c’est à dire la Lotharingie ou Lorraine). Ces territoires devaient former des royaumes dans lesquels ils auraient exercé des droits régaliens, Lothaire conservant cependant une prééminence en tant qu’empereur (système qui fut conservé pendant un millénaire dans ce qui devait s’appeler le Saint Empire romain germanique).
Aux termes des dispositions qui avaient été prises du vivant de Louis le pieux, l’aîné, Lothaire, aurait dû recevoir la dignité impériale et l’administration directe d’un territoire allant du Benelux actuel à l’Italie. Ses frères puînés devaient recevoir des territoires à l’ouest et à l’est du Royaume de Lothaire, (c’est à dire la Lotharingie ou Lorraine). Ces territoires devaient former des royaumes dans lesquels ils auraient exercé des droits régaliens, Lothaire conservant cependant une prééminence en tant qu’empereur (système qui fut conservé pendant un millénaire dans ce qui devait s’appeler le Saint Empire romain germanique).
La
rivalité entre les quatre frères aboutit à une guerre dont sortirent
victorieux Louis le germanique et Charles le chauve. Ils dépossédèrent
Pépin et réduisirent Lothaire.
Le
traité signé en 843 à Verdun est l’acte de naissance de la France.
Celle-ci ne comporte pas la Bretagne qui n’a jamais fait partie de
l’Empire de Charlemagne. En revanche, elle couvre les deux versants des
Pyrénées.
Ses frontières orientales sont un peu en retrait de la rive droite de la Saône et du Rhône, de la rive gauche de la Meuse et de l’Escaut. Toutefois, à la mort de Lothaire II, fils de Lothaire, Louis le germanique et Charles le chauve se partagent la Lotharingie et le traité de Mersen qui en résulte rapproche les frontières de la France du tracé des quatre cours d’eau de référence. Pendant plusieurs siècles, les frontières fixées par les traités de Verdun et de Mersen borneront la France et le Saint Empire.
Ses frontières orientales sont un peu en retrait de la rive droite de la Saône et du Rhône, de la rive gauche de la Meuse et de l’Escaut. Toutefois, à la mort de Lothaire II, fils de Lothaire, Louis le germanique et Charles le chauve se partagent la Lotharingie et le traité de Mersen qui en résulte rapproche les frontières de la France du tracé des quatre cours d’eau de référence. Pendant plusieurs siècles, les frontières fixées par les traités de Verdun et de Mersen borneront la France et le Saint Empire.
Les
considérations qui avaient présidé au partage ne reposaient pas du
tout sur des critères ethniques. Le territoire qui allait devenir la
France était à cet égard fort hétérogène.
Au
sud du Massif central, l'essentiel de la population était resté
gallo-romain. La langue vulgaire était demeurée phonétiquement proche
du latin. Elle allait donner naissance aux divers dialectes de langue
d'oc linguistiquement étroitement apparentés au catalan et à l'italien.
La
continuité y était aussi manifeste du point de vue juridique. A peu
près l'ensemble de la France méridionale restera fidèle au droit romain
jusqu'à la Révolution, avec, pour l'époque, un rare niveau
d'homogénéité juridique sur un territoire relativement vaste.
Au
nord, en revanche, ce qui avait constitué l'essentiel de l'ancien
royaume de Neustrie du temps des Mérovingiens présentait un visage
radicalement différent. La proportion de population d'origine
germanique, Francs saliens, y était importante dès le Vème
siècle.
Ici, les Francs avaient fondé leurs propres villages, là, ils avaient pris le contrôle des cités gallo-romaines préexistantes. Il en résulta assez longtemps une situation de bilinguisme qui aboutit graduellement, dans le Bassin parisien, aux dialectes de langue d'oïl qui, sur une base romane, présentaient une forte influence phonétique et syntaxique du francique. Au cours du temps, cependant, la proportion de mots germaniques déclina graduellement. La tendance, artificielle, à la latinisation se renforça considérablement lorsque le francien devint langue officielle du Royaume en 1539.
Ici, les Francs avaient fondé leurs propres villages, là, ils avaient pris le contrôle des cités gallo-romaines préexistantes. Il en résulta assez longtemps une situation de bilinguisme qui aboutit graduellement, dans le Bassin parisien, aux dialectes de langue d'oïl qui, sur une base romane, présentaient une forte influence phonétique et syntaxique du francique. Au cours du temps, cependant, la proportion de mots germaniques déclina graduellement. La tendance, artificielle, à la latinisation se renforça considérablement lorsque le francien devint langue officielle du Royaume en 1539.
Par
contre, au nord de l'ancienne voie romaine qui reliait le port de
Boulogne à Cologne, la proportion très élevée des Francs dans la
population avait conduit à la situation inverse. C'est le francique qui
put s'imposer comme base linguistique avec de nombreux emprunts aux
dialectes romans qui, assez tôt, s'éteignirent. C'est ainsi que, dans
les provinces les plus méridionales de la France de l'époque, le Comté
de Flandres et le Boulonnais, la langue vulgaire était fondamentalement
germanique (dialectes néerlandais).
Du
point de vue juridique, l'hétérogénéité de la population s'était
d'abord reflétée dans le régime de personnalité des lois, des règles
différentes étant appliquées selon que le sujet était franc ou
gallo-romain (un régime que la France connaîtra à nouveau plusieurs
siècles plus tard dans certaines de ses colonies d'outre-mer).
Puis, on assista ensuite à un émiettement du droit fondé désormais sur la coutume locale. A la veille de la Révolution, il y avait dans le nord de la France plus de deux cents systèmes juridiques coutumiers qui s'appliquaient dans des territoires ne couvrant généralement que quelques cantons actuels.
Puis, on assista ensuite à un émiettement du droit fondé désormais sur la coutume locale. A la veille de la Révolution, il y avait dans le nord de la France plus de deux cents systèmes juridiques coutumiers qui s'appliquaient dans des territoires ne couvrant généralement que quelques cantons actuels.
La
conclusion qui s'impose est que le partage de 843 ne visait nullement à
la constitution de "nations" de part et d'autre des quatre rivières,
mais seulement à donner à Louis, à Charles et à leurs descendants des
domaines sur lesquels asseoir leur fortune et leur puissance.
De ce point de vue, il est clair que Charles n'avait pas eu la part du lion et que la conception d'ensemble du partage manifestait l'intention de donner une prééminence à Louis, empereur, sur l'ouest de l'Europe.
De ce point de vue, il est clair que Charles n'avait pas eu la part du lion et que la conception d'ensemble du partage manifestait l'intention de donner une prééminence à Louis, empereur, sur l'ouest de l'Europe.
Le
tracé des frontières fixées à Verdun et à Mersen contraignait la
France d'alors à s'appuyer sur sa façade atlantique selon un axe
Bordeaux - Poitiers - Paris - Flandres. En effet, ses limites
orientales, qui étaient en retrait du cours du Rhône en maints
endroits, laissaient Lyon, et plus encore Marseille, en terre d'Empire,
hors de portée.
Il
est assez remarquable que, jusqu'à la fin du Moyen-âge, la frontière
de l'est sut contenir les ambitions territoriales des Capétiens aux
dépens de l'Empire.
L'explication tient moins à leur désir de respecter le droit des gents qu'au fait que, lorsque Hugues Capet fut élu Roi de France par ses pairs en 987, il ne devint jamais que le faible suzerain de forts puissants vassaux, tels que le Comte de Toulouse, le Duc de Normandie et le Duc de Bourgogne.
L'explication tient moins à leur désir de respecter le droit des gents qu'au fait que, lorsque Hugues Capet fut élu Roi de France par ses pairs en 987, il ne devint jamais que le faible suzerain de forts puissants vassaux, tels que le Comte de Toulouse, le Duc de Normandie et le Duc de Bourgogne.
En
effet, en fonction de ce qu'étaient les communications à ce moment-là,
il est clair que le sud-est du pays était relativement isolé par la
barrière géographique constituée par le Massif central. Cela ne pouvait
que renforcer les aspirations à l'indépendance du Comte de Toulouse.
Au
levant, la frontière orientale coupait l'ancien Royaume de Bourgogne
en son milieu, avec, à l'ouest, un Duché vassal du Roi de France et, à
l'est, une Comté sujette d'un pouvoir impérial lointain qui allait lui
laisser de bonne heure les coudées franches. Inévitablement, la Maison
de Bourgogne allait être tentée de reconstituer ce que la haute raison
d'Etat avait arbitrairement scindé.
Quant
à l'audacieuse Maison de Normandie, d'origine nordique, elle constitua
à son profit le Royaume d'Angleterre après avoir écrasé, à partir de
sa victoire d'Hastings en 1066, le Danelaw et ce qui subsistait de
l'heptarchie anglo-saxonne.
Le Roi de France allait désormais avoir un autre roi pour vassal, lequel sut tirer parti, quelques décennies plus tard, en la personne de Henry II Plantagenêts, de l'inconstance sentimentale du Roi de France Louis VII pour convoler en justes noces avec Alienor d'Aquitaine et, sans coup férir, réunir sous son autorité la moitié des provinces de la France d'alors et pratiquement toute sa façade maritime.
Le Roi de France allait désormais avoir un autre roi pour vassal, lequel sut tirer parti, quelques décennies plus tard, en la personne de Henry II Plantagenêts, de l'inconstance sentimentale du Roi de France Louis VII pour convoler en justes noces avec Alienor d'Aquitaine et, sans coup férir, réunir sous son autorité la moitié des provinces de la France d'alors et pratiquement toute sa façade maritime.
Il
n’est donc pas surprenant que l’histoire de la France du Moyen-âge ait
été dominée par les luttes intestines entre la Couronne et les grands
feudataires.
Avec le Comte de Toulouse, ces rivalités culminent au début du XIIIème siècle
à l’occasion de la croisade contre les Albigeois. Après l’extinction
de la postérité mâle des Comtes, le Comté est annexé au domaine royal
en 1271.
Le
conflit avec les Ducs de Normandie, alias Rois d’Angleterre, prend
également une tournure de plus en plus belliqueuse au XIIIème siècle
à partir des confiscations de fiefs pour félonie prononcées par
Philippe-Auguste jusqu’à l’embrasement de la guerre de cent ans.
C’est
pendant celle-ci que s’aiguise l’antagonisme entre les Capétiens et la
Maison de Bourgogne qui s’achève en 1477 à Nancy avec la mort du Duc
Charles le téméraire et le démembrement de ses Etats entre France et
Empire (Traité d’Arras).
La conquête de l'est
La conquête de l'est
Le XIVème siècle
constitue un grand tournant dans l’histoire de la Couronne de France
et de l’Europe occidentale. La France commence une inexorable conquête
de l’est qui va durer cinq siècles.
Les
premières atteintes à la ligne Meuse-Saône-Rhône sont discrètes. Tout
d’abord, la Couronne, au temps de Philippe IV de sinistre mémoire, tire
prétexte de ses possessions sur la rive gauche de la Meuse pour
soumettre le Comte de Bar (bientôt Duc) à des tracasseries qui tendent
en fait à limiter sa souveraineté. Les pressions et les chantages
occasionnés par le Barrois ”mouvant” dureront plus de deux siècles et
demi.
Ensuite,
la Couronne saisit l’occasion de troubles insurrectionnels dans
l’ancienne capitale des Gaules pour investir Lyon et annexer le
Lyonnais. Il est vrai que l’essentiel du territoire conquis se trouve
sur la rive droite de la Saône et du Rhône.
En
1349, les choses vraiment sérieuses commencent. Le dernier Prince du
Dauphiné de Viennois, sans descendance vivante, endetté, vend ses Etats
au Roi de France. Pour la première fois, les Rois de France vont
exercer leur autorité sur un vaste territoire transrhodanien. L’Empire
laisse faire, peut-être parce que son pouvoir a déjà été ébranlé par
l’émancipation de Cantons suisses encore en ébullition. D’ailleurs, les
formes sont préservées, c’est non pas le Roi lui-même mais l’héritier
du trône qui portera dorénavant le titre de ”Dauphin”, à l’instar de
la Couronne d’Angleterre où c’est l’héritier du trône qui est Prince de
Galles. Ensuite, le Dauphiné de Viennois conserve des institutions
séparées. Jusqu’à la Révolution, il constituera un ”pays d’Etat” et une
”province réputée étrangère”.
C’est à peu près dans les mêmes circonstances que la Provence échet aux Capétiens. Le dernier Comte souverain lègue le pays au Roi de France. Toutefois, tous les documents juridiques sont clairs. Le Roi de France n’exerce de pouvoir en Provence qu’en tant qu’il en est le Comte. Il s’agit de deux entités séparées. Selon notre terminologie de droit public contemporaine, nous dirions que France et Provence constituent deux Etats distincts gouvernés par un même souverain. Cette situation, qui existera à plusieurs époques dans plusieurs régions d’Europe (Union de Lublin du Royaume de Pologne et du Grand-duché de Lituanie de 1569 à 1772, Royaume de Grande-Bretagne et Royaume de Hanovre de 1714 à 1837, Royaume de Suède et de Norvège de 1814 à 1905, Royaume des Pays-Bas et Grand-duché de Luxembourg de 1814 à 1890, Empire d’Autriche et Royaume de Hongrie à partir de 1867 jusqu’en 1918) durera jusqu’à la Révolution.
La Bretagne vaut bien un mariage
A la fin du XVème
siècle, l’Europe de l’ouest retient son souffle. L’Empereur, Maximilien
d’Autriche, veuf de Marie de Bourgogne, la fille de Charles le
téméraire, qui lui laisse la quasi-totalité du Benelux actuel et la
Franche-Comté de Bourgogne, se marie par procuration avec Anne,
Duchesse de Bretagne. Pour Charles VIII de France, cela revient à un
encerclement de ses Etats par les Habsbourg.
La
Bretagne avait été moult fois envahie par son impétueux voisin,
notamment au cours de la longue guerre dite de succession de Bretagne
(13411-1364). Après qu’une armée française l’eut assiégée quatre mois à
Rennes, Anne, sachant désormais à quoi s’en tenir, consentit à la
rupture de son mariage par procureur. Le Pape Alexandre VI Borgia,
celui-là même qui mourut en déversant par inadvertance sur sa main le
poison qu’il préparait avec son neveu, se hâta d’accorder la dispense de
consanguinité.
Le
contrat de mariage, outre les dispositions patrimoniales d’usage,
comportait des clauses de droit public qui en faisait, en fait, un
traité entre deux Etats. Mais un chambranle de pierre trop bas, et
surtout trop dur, du château d’Amboise allait tout remettre en question
sept ans plus tard. Charles VIII étant mort sans postérité mâle, la
Couronne revint à son cousin Louis d’Orléans. Très compréhensive,
l’Eglise annula son mariage avec la soeur de feu Charles VIII, de
manière à lui permettre d’épouser ... sa veuve.
D’un
point de vue historique et juridique, le contrat de mariage entre
Louis XII et Anne de Bretagne est plus intéressant que le précédent,
puisqu’il aurait dû être le texte de référence pour les relations entre
le Royaume de France et le Duché de Bretagne, désormais en union
dynastique. En voici des extraits, dans une langue modernisée :
” ... Et
si [Duchesse Anne] allait de vie à trépas avant le Roy très-Chrétien
[Louis XII], sans laisser d’enfants, en ce cas, ledit Roy très-Chrétien
jouira, seulement sa vie durant, desdits Duché de Bretagne et autres
pays et seigneuries que ladite Dame tient à présent ; et après le décès
du Roy très-Chrétien, les proches héritiers de ladite Dame succèderont
auxdits Duché et seigneuries, sans que les autres Roys ni successeurs
ne les en empêchent ou y mettent une condition quelconque. ...”
Cette clause attestait que la Bretagne restait une entité indépendante
de la France et que, éventuellement, l’union pouvait être dissoute faute
de postérité.
Le contrat garantissait la pérennité des us, coutumes et lois propres du Duché :
”... C’est
à savoir que, en ce qui touche la garde et la conduite dudit pays de
Bretagne et de ses sujets en leurs droits, libertés, franchises, usages
et coutumes, tant au fait de l’Eglise, de la Justice, comme de la
Chancellerie, du Conseil, du Parlement, de la Chambre des Comptes, de
la Trésorerie Générale, et les autres relatifs à la Noblesse et au
commun peuple, afin qu’aucune loi ou constitution n’y soit faite, sauf
en la manière accoutumée par les Roys et Ducs prédécesseurs de notre
dite cousine la Duchesse de Bretagne, nous voulons, entendons,
accordons et promettons de garder et d’entretenir ledit pays et nos
sujets de Bretagne [le Roi parle en tant que Duc de Bretagne] en leurs dits droits et libertés, ainsi qu’ils en ont joui du temps des feus Ducs prédécesseurs de notre dite cousine.”
Le
Duché gardait sa souveraineté fiscale au travers de ses Etats, c’est à
dire d’une assemblée relativement comparable à un parlement :
”...
quant aux impositions des fouages et autres subsides levés et cueillis
audit pays de Bretagne, que les gens des Etats dudit pays soient
convoqués et appelés dans la forme accoutumée.”
Le Duché maintenait sa souveraineté judiciaire et juridictionnelle :
”
... que les sujets de ce pays [le Duché] n’en soient tirés en première
instance, ni autrement que de barre en barre et, en cas de ressort du
Parlement de Bretagne [qui était la juridiction supérieure du Duché] et
en déni de droit et dénégation de justice, en la matière accoutumée du
temps des Ducs prédécesseurs de notre dite cousine ..
...
pour que les matières de finances, de crimes et de bénéfices finissent
au Parlement de Bretagne, sans qu’il en soit fait ailleurs ressort,
ainsi qu’il a toujours été, nous, sur ce point, voulons, entendons,
accordons et promettons de le faire ainsi et de maintenir la forme et
la manière accoutumée d’ancienneté.
...
pour qu’aucune exécution de mandements et autres exploits ne soient
faits audit pays de Bretagne, qu’il soit convenu et accordé que les
deux juges royaux et ducaux sur place en aient connaissance et qu’ils
comparaissent sur les lieux pour en décider et y mettre fin ; nous
voulons, entendons, accordons et promettons de la faire ainsi, suivant
ce qui en sera avisé et conclu par les gens des trois Etats dudit pays
de Bretagne. Il en sera fait ainsi qu’on a accoutumé d’ancienneté.”
Le Duché conservait une large souveraineté militaire :
” ...
que dans nos guerres que nous pourrions faire hors dudit pays de
Bretagne, les Nobles de ce pays ne soient sujets à nous servir hors
dudit pays, sauf en cas d’extrême nécessité, ou avec le consentement de
notre dite cousine et des Etats dudit pays, nous le voulons ainsi, et
nous entendons ne tirer lesdits Nobles hors dudit pays sans grande ni
extrême nécessité.”
Même la souveraineté monétaire était préservée, dans une clause qui soulignait l’indépendance des deux Etats l’un de l’autre :
”
... pour ce qui est de nous nommer et intituler Duc de Bretagne dans
les choses qui concerneront le fait dudit pays, et de continuer la
monnaie d’or et d’argent sous le nom et titre de nous et de notre
cousine ; nous, sur ce, voulons, entendons et accordons, et promettons
de faire ainsi de sorte que les droits de la Couronne de France et du
Duché de Bretagne seront gardés d’une part et d’autre ...”
Enfin,
le contrat prévoyait une procédure obligatoire de révision de ses
clauses qui démontre bien qu’il s’agissait de ce que l’on appellerait
aujourd’hui un traité international :
” ...,
s’il advenait une bonne raison d’apporter des changements,
particulièrement en augmentant, diminuant ou interprétant lesdits
droits, coutumes, constitutions ou établissements, que ce soit fait par
le Parlement et l’assemblée des Etats dudit pays, ainsi que cela s’est
fait de tout temps, et qu’on n’agisse pas autrement. Nous voulons et
entendons que cela se fasse ainsi, avec l’assentiment des gens des
trois Etats dudit pays de Bretagne.”
Mais,
en cette affaire, les Valois qui n’avaient pu accéder au trône de
France en 1328 qu’en opposant au petit-fils de Philippe IV par Isabelle
de France, le Roi d’Angleterre Edward III, une ”loi salique” de
circonstance, risquaient fort de tomber dans la fosse qu’ils avaient
eux-mêmes creusée. En effet, Louis XII n’eut aucune postérité mâle, de
sorte que la Couronne de France devait aller à une autre branche, en
l’occurrence son neveu François d’Angoulême. En revanche, la Couronne
ducale revenait de droit à sa fille Claude de France.
Qu’à
cela ne tienne, François se hâta d’épouser sa cousine germaine, puis,
par des pressions que l’on imagine fortes, d’en obtenir un don viager,
puis un don perpétuel du Duché de Bretagne.
Mais François Ier
voulait plus, l’annexion pure et simple du Duché. Il usa pour cela de
deux métaux, l’or et le fer. L’or pour corrompre des membres des Etats
de manière qu’ils aillent au devant de ses désirs et sollicitent
eux-mêmes le rattachement du Duché à la Couronne de France. Le fer pour
intimider par la présence de troupes ceux qui auraient pu avoir le
front de s’opposer à ses implacables ambitions.
Ce fut chose faite à Vannes le 6 août 1532 selon les modalités suivantes :
Ce fut chose faite à Vannes le 6 août 1532 selon les modalités suivantes :
- le
Dauphin était reconnu comme Duc propriétaire du Duché. Toutes les
clauses contraires étaient révoquées ou abolies, notamment celles du
contrat de mariage de Louis XII et Anne ;
- la Bretagne était unie et jointe à perpétuité à la France ;
- les privilèges du pays seraient gardés et maintenus.
L’Edit
de Vannes constituait cependant un acte de droit international public
en ce qu’il scellait l’union de deux Etats jusqu’alors distincts et le
respect de ses dispositions conditionnait certainement la pérennité de
ladite union.
Voici une partie du texte, modernisé, que François Ier avait signé :
”...
nous confirmons, louons, ratifions et approuvons tous et chacun
lesdits privilèges, exemptions, franchises et libertés à eux octroyés
et concédés, comme il est dit, par nos dits prédécesseurs Ducs de
Bretagne, et dont ils ont toujours joui en chacun desdits Etats, et
pareillement au fait et administration de la Justice, villes, lieux et
communautés de ces pays et Duché, voulant qu’ils en jouissent
dorénavant et par la suite perpétuellement et toujours, ainsi et dans
la forme et de la manière qu’ils ont antérieurement bien et dûment
fait, jouissent et usent encore à présent, réservé toutefois ce que les
gens mêmes desdits Etats nous pourrons requérir être réformé ou changé
pour le bien, profit et utilité dudit pays ...”
En d’autres termes, comme dans le contrat de mariage de Louis XII et d’Anne, seuls les Etats avaient compétence pour valider une modification des termes de l’union de la France et de la Bretagne.
La conquête de l'est redouble de violence
La conquête de l'est redouble de violence
Puis le grignotage des terres impériales continue ses progrès. A partir du milieu du XVIème siècle,
la France occupe les évêchés indépendants de Metz, de Verdun et de
Toul (dits ”les trois évêchés”) avant de les annexer purement et
simplement au siècle suivant à l’issue de la guerre de trente ans.
Au XVIIème siècle, les conquêtes françaises s’opèrent dans des conditions d’une brutalité insoutenable.
C’est
tout d’abord l’Alsace conquise graduellement à partir de la
barbarissime guerre de trente ans et du Traité de Westphalie (1648)
jusqu’à l’annexion de Strasbourg (1680). Mulhouse restera cependant
dans la mouvance de la Confédération helvétique jusqu’à la Révolution.
L’annexion
du sud du Duché de Luxembourg en 1659 a été précédée pendant une
vingtaine d’années d’opérations de dépopulation d’une brutalité inouïe.
Sur une profondeur d’une trentaine de kilomètres, toute la population
civile est passée au fil de l’épée, non sans subir au préalable les
pires outrages. Les biens sont pillés, les édifices ruinés, les archives
brûlées, les récoltes détruites. La peste et la famine ont raison de
ceux qui sont parvenus à échapper au glaive.
C’est
alors que reculent les dialectes germaniques dans les actuels
départements de Meurthe et Moselle et de Moselle face aux dialectes
romans, dans la mesure où les communautés villageoises franciques
anéanties seront remplacées après l’annexion par des colons
francophones. Ainsi s’explique que de nombreux bourgs et villages
mosellans aux noms typiquement luxembourgeois aient basculé de l’autre
côté de la frontière linguistique : Hagondange, Mondelange, Guenange,
Erzange, Nilvange, Hayange. Que le français soit la langue maternelle
tant dans le village de Audun le Roman que, à une dizaine de
kilomètres, dans celui de Audun le Tiche (en luxembourgeois ”Däitsch
Otten”), se passe de commentaire.
Et
que l’on songe que, à l’époque, le Royaume très chrétien était
gouverné par des ecclésiastiques, le cardinal de Richelieu puis le
cardinal Mazarin !
La
méthode ayant démontré son efficacité, à défaut de sa conformité avec
les Saintes Ecritures, elle sera appliquée avec autant d’application
que de succès à la Franche Comté de Bourgogne qui est ravagée de fond
en comble quand Louis XIV en prend définitivement possession en 1676.
Grâce
au Ciel, le rattachement à la Couronne du Duché de Lorraine en 1766, à
la mort du Duc Stanislas, ex-Roi de Pologne, et beau-père de Louis XV,
se fera sans effusion de sang.
Pour
autant, tant la Bretagne que les pays transmeusans et transrhodaniens
conserveront jusqu’à la Révolution leur droit et leurs coutumes, leurs
institutions, le cas échéant leur langue. Ils constitueront des
”provinces réputées étrangères”.
A
cet égard, la carte reproduite ci-dessous est explicite. A la veille
de la Révolution, ce n’est que peu ou prou le territoire de l’ancienne
Neustrie qui est ressenti comme la France effective. La ”nation”
française, c’était seulement cela.
Pour
bien comprendre l'énormité de l'illégalité qui s'est produite la
fameuse nuit du 4 août 1789 où, dans une exaltation fébrile, des
députés sans mandats ont renoncé à des droits et privilèges dont
personne ne leur avait donné la disposition, il suffirait d'imaginer que
les députés au Parlement européen se missent à décider de la
dissolution de la France et des autres Etats membres, de la suppression
de leur constitution, de la disparition de leur ordre juridique. La
chose ne paraît-elle pas absurde et risible ? Eh bien, ce n'est rien
d'autre qui s'est produit le 4 août 1789.
Le 3 novembre, l'Assemblée nationale ajournait sine die
les parlements. Le 5 novembre 1789, elle supprimait les Etats de
Bretagne. Pourtant, comme on l'a vu plus haut, eux seuls avaient qualité
et compétence pour consentir à des modifications des termes de l'union
de la France et de la Bretagne.
A
juste titre, le parlement de Rennes refusa d'enregistrer le décret de
l'Assemblée. Sommé par celle-ci de comparaître, son président déclara
avec ses collègues le 8 janvier 1790 :
"Les
magistrats bretons ne devaient pas faire enregistrer des lois qui
détruisaient les anciennes franchises de la province, droits au
maintien desquels leur serment les obligeait à veiller. Pour que le
Parlement de Bretagne pût se croire autorisé à enregistrer, sans le
consentement des Etats, les lois qui sanctionnent les décrets de cette
assemblée, il faudrait que la province eût renoncé à ses franchises.
Or, n'a-t-on pas vu nos pères défendre à toutes les époques les droits
inviolables du pays [c'est à dire le Duché de Bretagne] ? Les deux
ordres réunis à Saint Brieuc n'enjoignaient-ils pas naguère à leurs
députés de s'opposer à toute atteinte que l'on pourrait porter aux
prérogatives de la Bretagne ? Les deux tiers des communes de la
province se sont exprimées plus explicitement encore dans leurs cahiers.
Or, ces cahiers, nous ne craignons pas de le dire, fixent immuablement
les limites de votre autorité, jusqu'à ce que les Etats de Bretagne,
légalement assemblés, aient renoncé expressément au droit de consentir
aux lois nouvelles."
A
cette argumentation juridique aussi correcte, qu'irréfutable et
courageuse, l'Assemblée répondit avec la brutalité du fanatisme par la
voix du député Le Chapelier, celui-là même qui prépara une loi
liberticide qui devait interdire pendant un siècle le droit de fonder
corporation, syndicat ou association en France :
"C'est
à la fois insulter la nation et fronder le voeu du peuple que de
demander la convocation des anciens Etats de Bretagne. Ignore-t-on que
ces Etats étaient composés de neuf cents nobles, évêques et prêtres,
tandis que quarante deux hommes représentaient deux millions
d'habitants sous le nom modeste, et l'on peut dire presque avili, de
Tiers-état ? Vous ne voyez devant vous que des magistrats nobles
défendant des nobles pour opprimer le peuple."
A
une époque où l'expression "perdre la tête" passait rapidement du sens
figuré au sens propre, il y eut peu de voix dans l'Assemblée pour
donner raison au droit et à la justice. L'intervention du député et
abbé Maury le même jour n'en est que plus méritoire, de sorte qu'on lui
pardonnera ses quelques édulcorations de la réalité historique, sans
doute inspirées par le souci de pacifier les esprits :
"Le
fait que vous allez examiner dans ce moment est extrêmement simple.
Onze magistrats qui formaient la Chambre des vacations de Rennes ont
refusé, après l'expiration de leurs pouvoirs, d'enregistrer les lettres
patentes rendues sur votre décret du 3 novembre pour protéger
indéfiniment leur commission et les vacances du Parlement. Ce refus
vous est dénoncé comme un crime de lèse-nation. Je n'ai l'honneur d'être
ni Breton, ni magistrat ; mais, revêtu du caractère de représentant de
la nation, je dirai la vérité avec tout le courage du patriotisme.
J'invoquerai la justice en faveur de ces mêmes sénateurs qui, après en
avoir été si longtemps les fidèles ministres, semblent menacés
aujourd'hui d'en devenir les victimes. Je considèrerai cette grande
question sous trois rapports : relativement à la province de Bretagne
dont j'approfondirai les droits ; relativement à la conduite des
magistrats qui formaient la Chambre des vacations à Rennes, dont je
discuterai les motifs ; relativement enfin aux divers décrets qui vous
sont proposés dont je développerai les conséquences.
Un
principe fondamental qu'il ne faudra jamais perdre de vue dans cette
cause, et qui n'est même pas contesté, c'est que la province de
Bretagne jouit, par sa constitution, du droit de consentir dans ses
Etats la loi, l'impôt et tous les changements relatifs à
l'administration de la justice : cette belle prérogative est la
condition littérale et dirimante de la réunion de ce Duché à la
Couronne de France.
Ce
principe étant généralement reconnu dans cette assemblée, j'observe,
d'abord, messieurs, que la différence du droit public qui régit
plusieurs de nos provinces, n'est point particulier à l'organisation de
la France. Depuis qu'un petit nombre de familles s'est partagé la
souveraineté de l'Europe, les grands Etats se sont successivement
étendus, et à des conditions toujours inégales, par des alliances, par
des successions, par des traités ou par des conquêtes. Nous ne
connaissons aucune puissance du premier ordre dont les sujets sont
soumis à des lois uniformes. L'Irlande et l'Ecosse ne jouissent pas des
mêmes droits que l'Angleterre. L'Autriche, la Hongrie et la Bohème
diffèrent autant par la législation que par la langue des peuples qui
les habitent. Je n'étends pas plus loin cette énumération qu'il me
suffit de vous indiquer. Je remarque seulement que, quelque désirable
que soit l'unité de gouvernement, aucune monarchie en Europe n'a pu
parvenir encore à cette identité de droit public dans toutes ses
provinces.
Mais
cette différence de prérogatives ne doit pas exciter plus de jalousie
entre les provinces que l'inégalité de fortunes entre les citoyens.
L'intérêt commun est que la justice soit respectée. Tous les droits
particuliers reposent sous la sauvegarde de la foi publique. Ce sont des
barrières élevées contre le despotisme, qu'il faut accoutumer à
s'arrêter devant les contrats qui le repoussent, pour l'avertir souvent
que le pouvoir a ses limites. Il a besoin que ces conventions toujours
réclamées lui rappellent que les peuples ont des droits, et c'est
ainsi que les privilèges particuliers d'une province deviennent le
bouclier de tout un royaume.
Les
prérogatives de la Bretagne n'ont par conséquent rien d'odieux pour la
nation française, si elles émanent d'une convention libre et
inviolable. Cette convention que M. le Comte de Mirabeau a paru
dédaigner avec tant de hauteur, comme l'une de ces fables de l'antiquité
que des législateurs doivent reléguer philosophiquement dans la
poussière des bibliothèques, cette convention, Messieurs, n'est pas
éloignée de nous de plus de deux siècles et demi.
Je
ne dirai donc pas, comme cet orateur, que la Bretagne mériterait
d'être écoutée si elle produisait des titres anciens comme le temps et
sacrés comme la nature, parce qu'en parlant ainsi je ne dirais rien ;
mais je vais tâcher de prouver que la Bretagne a des droits aussi
anciens que la monarchie et aussi sacrés que les contrats ; et si je
démontre qu'en vertu de ces droits on ne peut faire aucun changement
dans l'administration de la justice en Bretagne sans le consentement
des Etats de cette province, je n'aurai pas sans doute la gloire de
vous avoir proposé un système philosophique, mais je croirai avoir bien
raisonné en prenant la défense des magistrats bretons.
L'Armorique
ou la Bretagne fut démembrée de la monarchie française dès la première
race de nos rois. Les habitants de cette province qui, sous le nom de
Celtes, luttèrent glorieusement contre César et balancèrent la
puissance des légions romaines, furent toujours soumis à des souverains
particuliers. Ces princes eurent pour suzerains les Rois de France et
même les Ducs de Normandie ; mais ils exercèrent toujours une
souveraineté immédiate sur les Bretons. Pour illustrer cette vassalité,
les monarques français érigèrent, dans le treizième siècle, en
duché-pairie cette grande province qui forme aujourd'hui la douzième
partie de la population du Royaume ; et elle continua d'être
indépendante de la nation française sous l'empire des Ducs de Bretagne.
La
réunion de la Bretagne à la France avait été, pendant plusieurs
siècles, le grand objet de la politique de nos Rois. Le dernier Duc de
Bretagne, François II, étant mort sans enfants mâles, Anne de Bretagne,
sa fille unique et son héritière, était déjà fiancée à l'Empereur
Maximilien, mais le Roi Charles VIII parvint à faire rompre ce projet de
mariage et épousa lui-même Anne de Bretagne en 1491.
Je
ne m'arrête point dans ce moment aux clauses de ce contrat de mariage.
On le cite souvent comme la véritable origine des privilèges de la
Bretagne ; mais nous verrons bientôt que les droits de cette province
sont fondés sur un contrat plus récent, dans lequel les Bretons
eux-mêmes ont transigé avec le représentant souverain de la nation
française.
Charles
VIII qui, pour épouser Anne de Bretagne, avait renvoyé Marguerite,
fille de l'Empereur Maximilien, quoiqu'elle eût déjà porté le titre de
Dauphine, mourut sans postérité à l'âge de vingt-sept ans.
...
Pour assurer la réunion de cette grande province à la Couronne, le
successeur de Charles VIII, le bon père du peuple Louis XII, épousa
Anne de Bretagne lorsqu'il eut fait déclarer nul son mariage avec
Jeanne de Valois, qu'il avait épousée depuis vingt ans et qui, après son
divorce, alla fonder les Annonciades à Bourges.
Louis
XII n'eut de son mariage avec Anne de Bretagne que deux filles, Madame
Claude et Madame Renée de France. La loi salique n'ayant jamais été
admise en Bretagne, les filles héritaient de ce Duché comme des autres
grands fiefs du Royaume. Ce fut pour en prévenir une seconde fois le
démembrement que Louis XII fit épouser sa fille Claude au Duc
d'Angoulême, son héritier présomptif.
Ce
dernier prince, devenu si célèbre sous le nom de François Ier, eut
deux enfants mâles de son mariage avec la fille de Louis XII. L'aîné de
ces princes, Henri II, était appelé par droit de primogéniture au
trône de France, et le cadet, Duc d'Angoulême, devait hériter du Duché
souverain de Bretagne, en vertu du contrat de mariage d'Anne, son
aïeule, avec Louis XII.
La
France, alarmée de ce nouveau démembrement de la Bretagne dont elle ne
voyait plus le terme, pressa François Ier de consommer, par un contrat
synallagmatique et irrévocable, la réunion de cette province à la
Couronne. Pressé par les voeux de tout son peuple, François Ier alla
tenir lui-même les Etats de Bretagne à Vannes en 1532. Ces Etats de
Bretagne, dont on trouve aujourd'hui l'organisation si vicieuse,
conclurent le traité au nom de tout le peuple breton : les deux nations
transigèrent ensemble. La Bretagne fut unie à jamais à la Couronne de
France ; et le contrat qui en renferme les conditions a été ratifié,
depuis cette époque, de deux ans en deux ans, par tous les successeurs
de François Ier jusqu'en 1789.
C'est
l'exécution littérale de ce traité de Vannes en 1532 que réclament les
Bretons [cela n'a guère changé !]. Il n'y a plus rien de sacré parmi
les hommes si un pareil titre n'est pas respecté. La propriété
individuelle de chaque citoyen, fondée sur l'autorité des contrats, n'a
point d'autre base que les droits de cette province, qu'on appelle si
improprement ses privilèges. Le peuple breton n'en jouit qu'à titre
onéreux puisqu'il ne se les a assurés qu'en renonçant à la plus belle
de toutes les prérogatives, je veux dire au droit d'avoir son souverain
particulier. J'avertis les membres de l'Assemblée nationale, qui nous
parlent avec dédain des franchises de la Bretagne, que s'ils veulent
nous réfuter, c'est à ce raisonnement surtout que nous les invitons, ou
plutôt que nous les défions de répondre jamais.
Le
danger du démembrement prévu par François Ier était plus réel qu'il ne
se l'imaginait lui-même. Outre la séparation de la Bretagne, qui était
annoncée par la succession collatérale de son fils cadet, cette
province aurait été dévolue ensuite à d'autres princes qui en seraient
devenus les héritiers naturels. Car la loi salique, je le répète, n'a
jamais été admise en Bretagne : la représentation même y a toujours eu
lieu ; et, par conséquent, les filles pouvaient en hériter comme la
Reine Anne elle-même. Or, Messieurs, la branche masculine des Valois
fut éteinte à la mort de Henri III en 1589 ; mais la postérité féminine
des Valois existe encore aujourd'hui dans les maisons de Lorraine et
de Savoie, qui régneraient en Bretagne sans l'exclusion du traité de
Vannes en 1532.
Tous
les engagements des contrats sont réciproques. Il est donc démontré,
et je ne crains pas de le publier en présence des représentants de la
nation française, que la Bretagne est libre, et que nous n'avons plus
aucun droit sur cette province si nous ne voulons pas remplir
fidèlement les conditions du traité qui l'a réunie à la Couronne.
Cette
conséquence découle de tous les principes sur lesquels l'ordre social
est établi, et vous voudrez bien ne pas oublier, Messieurs, que l'une
des clauses de ce contrat porte formellement que la Bretagne aura un
Parlement, une chancellerie, une Chambre des comptes, et qu'il ne sera
fait aucun changement à l'administration de la justice dans cette
province sans le consentement de ses Etats.
...
Le Roi le plus conquérant qui ait gouverné la France aurait repoussé
avec indignation le lâche conseil de violer envers ses propres sujets
la foi tutélaire des traités. Louis XIV, dont l'âme fière et haute ne
cédait pas aisément aux contradictions, Louis XIV, animé par le
sentiment le plus dominant du coeur humain, par l'amour paternel,
conserva jusque dans la tendresse pour son fils le Comte de Toulouse,
le respect qu'il devait à la constitution de la Bretagne. Ce monarque,
aussi calomnié depuis sa mort qu'il avait été flatté pendant sa vie,
voulut nommer le Comte de Toulouse grand amiral de France. On lui
représenta que les provinces maritimes du Royaume avaient été
dépouillées du droit de conserver un amiral particulier, mais que la
Bretagne n'avait jamais renoncé à cette prérogative. Louis XIV, qui
savait régner sur les Français, écarta toutes ces discussions délicates
sur l'autorité royale, et il concilia tous les intérêts en unissant à
perpétuité, en 1695, la grande amirauté de France au gouvernement de
Bretagne.
Cet
hommage rendu par Louis le grand aux droits de la Bretagne nous
avertit, Messieurs, des égards que nous devons à la constitution de
cette province. Tout est singulier dans sa coutume, dans ses
franchises, dans son administration, dans ses tribunaux. La Commission
intermédiaire des Etats y a pris la défense des magistrats toutes les
fois que l'autorité a entrepris des innovations dans l'ordre juridique.
Dans nos autres provinces, la constitution est confiée à la garde des
Parlements, au lieu qu'en Bretagne, le Parlement est sous la protection
immédiate de la constitution bretonne. Ce Parlement constitutionnel
n'enregistre jamais les impôts qu'après le consentement des Etats.
...
Lorsque, dans la fameuse nuit du 4 août dernier, les représentants des
provinces ont souscrit à l'abrogation de leurs privilèges, les
soixante-dix députés de la Bretagne nous ont déclaré qu'ils étaient
sans mission et sans pouvoirs pour faire un pareil sacrifice au nom de
leurs commettants. Ils nous ont promis de les solliciter et nous ont
annoncé l'espérance de l'obtenir ; mais la défense que vous avez faite
aux provinces de s'assembler n'a pas encore permis à la Bretagne de
délibérer sur cette renonciation. Inutilement prétendrait-on remplacer
ce voeu d'une province par les adresses des villes qui adhèrent à tous
nos décrets. Qui ne sait, Messieurs, que ces signatures souvent
mendiées ou extorquées, ou même contraintes, n'ont aucune force
dirimante pour anéantir un contrat ?
...
Non, l'unanimité de ces voeux individuels ne saurait jamais former un
voeu collectif, parce que les contrats doivent être révoqués de la même
manière qu'ils ont été sanctionnés. Ce principe de droit public nous
indique le degré d'autorité de toutes les adresses que nous recevons
des provinces. C'est donc avec les Etats constitutionnels de la Bretagne
que nous devons traiter la grande question des droits qui
appartiennent à cette province. Quand je dis les Etats de Bretagne,
Messieurs, je n'oublie point toutes les plaintes qui se sont élevées
contre leur organisation. Déjà cette assemblée a déclaré elle-même
qu'elle consentirait à une répartition d'impôts plus égale, mais on ne
peut pas en innover le mode par provision. Il est de toute justice
d'améliorer la composition de ces Etats ; comme il est de toute
évidence que c'est avec les Etats qu'il faut en concerter la réforme, et
transiger sur les droits constitutionnels que la France a stipulés
avec les Bretons.
...
A l'époque de la convocation des Etats généraux, tous les cahiers du
clergé et des communes de Bretagne demandent unanimement la
conservation des droits, franchises et privilèges de la province. Les
mandats qui n'énoncent à cet égard que des réserves constitutionnelles,
et par conséquent inattaquables, sont tellement impératifs ou plutôt
tellement résolutoires, que les Bretons déclarent ne vouloir se
soumettre à aucune décision de l'Assemblée nationale, à moins que nos
décrets n'aient été librement adoptés par les Etats particuliers de la
province. Ce n'est qu'à cette condition que la Bretagne nous a envoyé
des députés, en se réservant ses franchises que la nation française n'a
pas le droit, et par conséquent le pouvoir de lui enlever ..."
Cet
exposé aussi brillant que juste se développe encore longuement au
point qu'il serait fastidieux de le reproduire en totalité, quoiqu'il
soit hautement instructif de le lire intégralement.
Je cite cependant encore un extrait, dont le caractère prophétique en ce début de 1790 ne peut qu'édifier et émouvoir :
"L'accusateur
des magistrats de Rennes, confondant leur cause avec les intérêts de
la noblesse et du clergé, menace toutes ces classes de citoyens d'une
prescription inévitable, et le peuple compte enfin les individus, prend
conseil de sa force, décrète des meurtres par un scrutin épuratoire,
et cesse de faire grâce de la vie aux aristocrates qu'il peut massacrer
impunément. Ah! ne vous enveloppez plus, dirais-je aux instigateurs
des fureurs populaires, si je pouvais leur faire entendre ma voix
jusqu'au fond de nos provinces les plus lointaines, ne vous enveloppez
plus de toutes ces hypothèses oratoires qui ne sont que des
proscriptions mal déguisées ; prêchez hautement, si vous l'osez,
l'insurrection et le carnage ; dites que vos arguments ne seront
désormais que des poignards ; mais cessez de nous menacer de ces lâches
assassinats dont les Français sont incapables ; et renoncez enfin à
nous intimider par de coupables prédictions qui nous prouvent le
désespoir de votre cause, et l'impression que fait sur vous la terreur.
L'homme vertueux ne compte pas ses ennemis, il compte ses devoirs, il
suit l'impulsion de ses principes et marche à la mort avec
intrépidité."
Si
cette voix sage avait été écoutée, la France républicaine ne porterait
pas la tache indélébile de l'écrasement haineux des Chouans, quelques
années plus tard.
****
Ainsi donc, la Révolution avait commencé d'entrée de jeu par dissoudre les petites nations qui, au cours des siècles, avaient été rattachées de plus ou moins bon gré à la Couronne de France dans un ensemble uniformisé qui allait désormais opiniâtrement nier leur personnalité propre.
Mais
la disparition juridique des provinces réputées étrangères n'était
qu'une étape. Les révolutionnaires voulaient aussi la disparition des
particularismes humains qui ne manqueraient pas de perenniser
l'existence ethnique desdites nations. Aussi la Révolution
commença-t-elle une entreprise d'éradication des langues dites
aujourd'hui "régionales" que les Républiques successives poursuivirent
avec constance, selon des méthodes qui en disent long sur l'origine
ténébreuse du projet.
La
guerre de la France aux langues traditionnellement parlées dans les
petites nations voisines est déclarée par la voix d'un député
ecclésiastique, l'Abbé Grégoire, dans son rapport haineux, presque
paranoïaque, à la Convention du 30 juillet 1793 :
"...C'est
avec le bas-breton, cet instrument barbare de leurs pensées
superstitieuses que les prêtres et les intriguants les tiennent [les
habitants des campagnes] sous leur empire, dirigent leurs consciences et
empêchent les citoyens de connaître les lois et d'aimer la République.
Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton ; l'émigration
et la haine de la République parlent allemand, la contre-révolution
parle l'italien et le fanatisme parle le basque. Brisons ces instruments de dommage et d'erreur ..."
Bien
d'autres passages de ce texte fondateur de la politique linguistique
de la nouvelle France jacobine sont de la même veine :
"...Il
n'y a qu'environ quinze départements de l'intérieur où la langue
française soit exclusivement parlée. Encore y éprouve-t-elle des
altérations sensibles, soit dans la prononciation, soit dans l'emploi de
termes impropres et surannés ... Nous n'avons plus de provinces et
nous avons encore trente patois qui en rappellent les noms ... On peut
assurer sans exagérations qu'au moins six millions de Français, surtout
dans les campagnes, ignorent la langue nationale ; qu'un nombre égal
est à peu près incapable de soutenir une conversation suivie ; qu'en
dernier résultat, le nombre de ceux qui la parlent purement n'excède
pas trois millions ; ... Ainsi, avec trente patois différents, nous
sommes encore, pour le langage, à la Tour de Babel, tandis que, pour la
liberté, nous formons l'avant-garde des nations... C'est surtout vers
nos frontières que les dialectes, communs aux peuples des limites
opposées, établissent avec nos ennemis des relations dangereuses,
tandis que, dans l'étendue de la République, tant de jargons font
autant de barrières qui gênent les mouvements du commerce et atténuent
les relations sociales. Par l'influence respective des moeurs sur le
langage , du langage sur les moeurs, ils empêchent l'amalgame politique
et d'un seul peuple en font trente ... Tout ce qu'on
vient de lire appelle la conclusion que, pour extirper tous les
préjugés, développer toutes les vérités, tous les talents, toutes les
vertus, fondre tous les citoyens dans la masse nationale, simplifier le
mécanisme et faciliter le jeu de la machine politique, il faut
identité de langage ... En avouant l'utilité d'anéantir les patois,
quelques personnes en contestent la possibilité : elles se fondent sur
la ténacité du peuple dans ses usages ... Je crois avoir établi que
l'unité d'idiome est une partie intégrante de la révolution ; et dès
lors, plus on m'opposera de difficultés, plus on me prouvera la
nécessité d'opposer des moyens pour les combattre...Le 14 janvier 1790,
l'Assemblée constituante ordonna de traduire ses décrets en dialectes
vulgaires. Le tyran n'eut garde de faire une chose qu'il croyait utile à
la liberté. Au commencement de la session, la Convention nationale
s'occupa du même objet. Cependant j'observerai que, si cette traduction
est utile, il est un terme où cette mesure doit cesser ; car ce serait
prolonger l'existence des dialectes que nous voulons proscrire, et
s'il faut en faire usage, que ce soit pour exhorter le peuple à les
abandonner.
Le député Barère reprit quelques temps plus tard le flambeau et composa un rapport d'une égale virulence :
"...
Je commence par le bas-breton, Il est parlé exclusivement dans la
presque totalité des départements du Morbihan, du Finistère, des Côtes
du Nord [erreur, il n'y était parlé que dans la moitié occidentale],
une partie d'Ille et Vilaine [autre erreur, il n'y était point parlé]
et dans une grande partie de la Loire inférieure. Là, l'ignorance
perpétue le joug imposé par les prêtres et les nobles ; là, les citoyens
naissent et meurent dans l'erreur : ils ignorent s'il existe encore
des lois nouvelles. Les habitants des campagnes n'entendent que le
bas-breton ; c'est avec cet instrument barbare de leurs pensées
superstitieuses que les prêtres et les intrigants les tiennent sous
leur empire, dirigent leurs consciences et empêchent les citoyens de
connaître les lois et d'aimer le République ... Dans les départements
du Haut et du Bas-Rhin, qui a donc appelé , de concert avec les
traîtres, le Prussien et l'Autrichien sur nos frontières envahies ?
N'est-ce pas l'habitant des campagnes qui parle la même langue que nos
ennemis, et qui se croit ainsi bien plus leur frère et leur concitoyen
que le frère et le concitoyen des Français, qui lui parlent une autre
langue et qui ont d'autres habitudes ? ... Vers une autre extrémité de
la République est un peuple neuf quoiqu'antique ... je veux parler du
peuple basque ... Mais ils ont des prêtres et les prêtres se servent de
leur idiome pour les fanatiser ; mais ils ignorent la langue française
et la langue des lois de la République. Il faut donc qu'ils
l'apprennent ... Un autre département mérite d'attirer vos regards,
c'est le département de Corse ... Trop voisins de l'Italie, que
pouvaient-ils en recevoir ? Des prêtres, des indulgences, des adresses
séditieuses, des mouvements fanatiques. Pascal Paoli, Anglais par
reconnaissance, dissimulé par habitude, faible par son âge, Italien par
principe, sacerdotal par besoin, se sert puissamment de la langue
italienne pour pervertir l'esprit public, pour égarer le peuple, pour
grossir son parti ; il se sert surtout de l'ignorance des habitants de
Corse qui ne soupçonnent pas même l'existence des lois françaises,
parce qu'elles sont dans une langue qu'ils n'entendent pas. Il est vrai
qu'on traduit depuis quelques mois notre législation en italien ; mais
ne vaut-il pas mieux y établir des instituteurs de notre langue, que
des traducteurs d'une langue étrangère ? ...
Ce
voeu-là, les révolutionnaires durent attendre près d'un siècle pour
qu'il commence à devenir réalité. Et, en effet, à partir de
l'introduction de l'enseignement public obligatoire au début de la
IIIème République, jusqu'à l'immédiat après-guerre, en sept décennies,
des coups mortels purent être portés à des langues qui avaient toutes
été parlées en leur terroir au moins depuis un millénaire et même, dans
le cas du basque, depuis plusieurs millénaires. Quelles méthodes
avaient été employées pour obtenir aussi vite un résultat à ce point
radical ?
Les
autorités françaises ne s'y sont pas pris avec la brutalité des tsars
interdisant vainement toute expression publique du polonais et du
lituanien au temps de l'Empire. L'oppression ouverte a renforcé la
fierté des peuples brimés et les a indissolublement attachés à leur
langue, qui sont aujourd'hui solidement établies dans les nations dont
elles véhiculent l'âme.
Non,
le jacobinisme français a joué beaucoup plus finement et bien plus
insidieusement. Contrairement aux tsars, il est parvenu à donner honte
aux peuples de France de leurs langues traditionnelles.
Pour
ce faire, il a généralement concentré son action sur les enfants en
intervenant dès la première classe de l'école publique.
Ainsi,
le système du symbole a été appliqué pendant plusieurs décennies en
Bretagne. Le symbole consistait en un objet infamant, de nature à
dévaloriser l'enfant auquel il était assigné aux yeux de ses camarades.
C'était le plus souvent une représentation d'une pomme de terre, d'un
sabot, d'un pantin en costume traditionnel, d'un cochon ou d'un morceau
de bois grossier.
La
règle était aussi simple que perverse. Le premier enfant qui était
surpris à parler breton était contraint de porter l'objet autour du
cou, exposé à la raillerie et au mépris de ses camarades, jusqu'à ce
que l'un d'entre eux laisse échapper à son tour un mot dans l'idiome
celtique. Et celui qui avait gardé le symbole autour du cou jusqu'à la
fin de la journée recevait en prime une punition. Il faisait donc
particulièrement attention à la première occasion de dénoncer un
camarade.
Qui
s'étonnera que cette ténébreuse méthode ait produit des générations
fort taciturnes de Bretons ? Que l'on imagine la tension intérieure
d'enfants de 6 ans auxquels on inculque la peur de parler leur propre
langue maternelle ! Combien ces gens ont été très profondément, très
injustement blessés ! Et le symbole était aussi lourd du clair message
que portaient les objets qu'il représentait. Le breton est une langue
de croquants, une langue de cochons, une langue de "patates".
Cette action redoutablement efficace était complétée par des mesures visant à mettre un joug de honte également sur les adultes. La campagne d'affichage "parler français, c'est chic" en Alsace, dans les années qui ont suivi la fin de la première guerre mondiale, en est une bonne illustration. Chacun pouvait en déduire que parler alsacien ou haut-allemand était gauche et lourd. Quel argument étonnamment condescendant dans un pays qui affiche un attachement à l'égalité comme l'un des trois principes fondamentaux de son ordre social !
En
Bretagne, c'était les commandements "défense de cracher par terre et
de parler breton" en différents lieux publics qui donnaient aux
bretonnants la mesure du peu d'estime porté à leur langue ...
Heureusement
que les Canadiens anglophones n'ont pas traité ainsi les Québecois,
ni les Flamands, désormais majoritaires en Belgique, les Wallons ...
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