torsdag 13. juni 2024

Quand le sens est perdu, cela ne fait plus de sens ...

 QUAND le SENS est PERDU,

cela ne FAIT PLUS de SENS

 

La France qui émerge graduellement sur les décombres de l'Empire romain d'occident à la fin du Vème siècle se compose, ethniquement, de Gaulois et de Germains (sauf en Aquitaine qui resta probablement habitée par un peuple dont la langue originelle subsiste dans le basque actuel).

Les Gaulois représentent une population installée depuis au moins une dizaine de siècles mais qui a été soumise à Rome depuis cinq siècles. Toutefois, il ne faut pas croire trop vite que ces Celtes se sont mis aussitôt à parler latin. Le changement linguistique est mal établi mais il y a des témoignages historiques qui attestent que le gaulois était encore parlé dans la région de Bordeaux au IIIème siècle et en Auvergne au Vème siècle.

A cette population de souche est venue s'ajouter une immigration germanique dès le IIIème siècle. Celle-ci s'est d'ailleurs rapidement intégrée à la latinité et je ne serais pas étonné que ce soit le besoin d'intercompréhension entre les Gaulois et les immigrés germaniques qui ait accéléré le passage à l'utilisation par tous du latin comme langue vernaculaire.

Mais, à partir du Vème siècle, et plus encore de la deuxième moitié dudit siècle, l'administration romaine ne maîtrise plus les flux migratoires en Gaule et la venue d'immigrés germaniques devient massive, ce qui conduit à la coexistence de Gaulois et d'anciennes souches immigrées romanisées avec différentes tribus germaniques, Francs, Burgondes, Goths, qui conserveront plus longtemps leur propre langue.

Pour autant, c'est Rome qui continue d'inspirer les cadres administratifs que les Gaulois et leurs nouveaux maîtres germaniques essaient de remettre en place dans ce qui va devenir leur commune France.

Des Romains, ils ont hérité du mot "dux" qui est issu du verbe "ducere" qui a donné en français notamment "conduire". Le plus souvent, un "dux" était un chef militaire, équivalent peu ou prou à un général de nos jours.

C'est ainsi que les chefs des tribus germaniques ayant un pouvoir de nature fondamentalement militaire, aux commandes des troupes de leur peuple, furent assez vite appelés "dux" et c'est donc bien l'origine du mot "duc".

Cela se retrouve bien dans les équivalents germaniques. Le néerlandais "hertog" et l'allemand "Herzog" comportent la racine parente de celle du latin "ducere" à laquelle s'ajoute l'adverbe "her" qui donne alors l'idée de celui qui rassemble des troupes pour les conduire.

S'agissant de chefs militaires de tribus, il y avait peu de ducs dans le Royaume de France occidentale constitué au traité de Verdun de 843. Il n'est pas étonnant que ce fut le cas de la Bourgogne des Burgondes ainsi que de l'Aquitaine/Guyenne qui n'étaient pas de population franque. Plus tard, c'est un duché qui fut constitué pour les Vikings Danois qui s'étaient durablement installés à l'embouchure de la Seine et sur les côtes de ce qui allait alors devenir la Normandie.

En dehors des frontières du Royaume de France occidentale, deux autres duchés finirent par être rattachés à la Couronne de France, celui de Bretagne par les mariages successifs de la Duchesse Anne avec Charles VIII puis Louis XII, et ceux de Lorraine et de Bar, à la suite du traité de Vienne de 1738 qui, dans le contexte de la pragmatique sanction, aboutit transitoirement à leur administration pendant 30 ans par l'ex-Roi de Pologne.

Des Romains, les Gallo-Francs héritèrent aussi du mot "comes/comitem". Le mot est tiré du verbe "IRE", "aller". Un "comes" était à l'origine un fonctionnaire qui accompagnait, qui conseillait le pouvoir à Rome. Quand un pouvoir franc émerge dans l'ancienne Gaule, il subsiste des semblants d'administrations locales dirigés par des "comites". De là vient le mot "comte". Lorsque les Carolingiens constituent l'Empire de France, ces comtes, qui sont toujours des fonctionnaires, préfigurent un peu ce que sont aujourd'hui les préfets.

C'est à la suite de la désagrégation de l'ordre carolingien que les familles comtales s'approprieront le pouvoir de manière héréditaire sur un certain territoire.

Un type très particulier de comtes avait toutefois une fonction militaire. Il s'agissait des comtes qui administraient des marches militaires. Le statut de ces territoires n'était pas très clair. Leur fonction était de bloquer les incursions dans l'Empire, puis dans le Royaume de peuples belliqueux. Il y avait ainsi une telle marche en Bretagne et aussi, au nord de l'Empire, dans l'actuel Holstein pour contenir les Danois qui, ironiquement, en ont tiré le nom de leur pays, Danemark, c'est à dire "Marche des Danois".

C'est l'origine du mot "marquis" qui, en allemand, se dit toujours "Markgraf", "comte de marche".

Lorsque, après la désagrégation carolingienne, des comtés finirent par échoir à des évêques ou des seigneuries à des ecclésiastiques, souvent des abbés de monastères, ceux-ci, pour pouvoir se consacrer à leur ministère spirituel, nommaient des remplaçants pour administrer les pouvoirs séculiers correspondants. C'est cela qui fut à l'origine les vicomtes et les vidames. 

Il ne s'agissait donc pas de nobles qui exercaient de manière héréditaire un pouvoir sur un territoire donné.

Avec la désagrégation carolingienne, l'ouest de l'Europe entra dans une phase prolongée de recul de la circulation monétaire. Aussi les rois mais aussi les ducs et les comtes prirent-ils l'habitude de "payer" leur armée en leur attribuant des domaines fonciers.

C'est l'origine des fiefs. Le gratin des soldats en question était des chevaliers qui pouvaient se battre à cheval. Mais il y avait aussi des écuyers. Certains de ces soldats étaient appelés "ber/baron". L'étymologie est discutée. Il est possible que le mot puisse être rattaché à la racine germanique signifiant porter ("to bear" en anglais, "att bära" en suédois) s'agissant d'hommes qui portaient des armes.

Si, en échange de la jouissance d'un fief, il était interdit à ces hommes d'exercer une autre profession quelconque, c'est qu'ils devaient être à la disposition du suzerain pour le service d'ost, le service militaire.

Ce n'était donc pas, comme la noblesse le professa ultérieurement, que travailler fût infamant mais que la fonction militaire était exclusive.

Au fur et à mesure que, à partir du Xème siècle, il se rétablit un pouvoir central stable dans le Royaume de France occidentale, ce pouvoir royal s’efforça d'éliminer ou d'absorber par des mariages l'ancienne haute noblesse qui s'était mise à "incarner" des territoires constitués en duché ou en comtés héréditaires.

Pour ce qui est des ducs du Royaume de France occidentale, le dernier à disparaître fut le Duc de Bourgogne Charles le téméraire au XVème siècle. Comme on le sait, pour les duchés rattachés à la Couronne, la lignée bretonne s'éteignit avec la duchesse Anne tandis que les Ducs de Lorraine et de Bar devinrent les Empereurs d'Autriche en échange de la renonciation à leurs duchés lotharingiens.

Il en alla progressivement de même pour la vieille noblesse comtale originelle.

A partir du XIIIème et du XIVème siècles, la noblesse devint de plus en plus honorifique et de moins en moins militaire. Les rois se mirent à créer des titres de duc et de comte pour leurs parents (Duc d'Orléans, Duc de Nemours, etc), pour leurs affidés. Cela n'avait plus grand chose à voir avec ce qu'avaient été ces titres à l'origine et la perte de sens ne fit que s'accentuer.

Quand on lit les mémoires de Saint-Simon, on voit que ces titres, à Versailles, servaient notamment à distinguer les femmes nobles qui avaient le droit de s'asseoir sur un tabouret en présence de personnes royales, les duchesses, des autres qui devaient rester debout !!!

Autant dire que le système n'avait alors plus aucun sens, n'était plus que des titres vides de toute fonction sociale définie et que sa disparition était dès lors inéluctable.

En parallèle à tout cela, lorsque des échanges commerciaux reprirent graduellement en Europe de l'ouest, après la grande période d'insécurité imputable aux pillages des Vikings, il se constitua une nouvelle classe de marchands.

Rois, ducs et comtes se rendirent progressivement compte du parti qu'ils pouvaient tirer d'un essor du commerce qui diversifierait les revenus qu'ils ne tiraient plus que de l'activité agricole. Ils favorisèrent donc l'installation de "centres commerciaux" auxquels ils accordèrent différents privilèges, c'est à dire un régime juridique propre et dérogatoire du droit commun.

Pour protéger des pillards et brigands les richesses marchandes et pécuniaires qui y transitent et s'y stockent, les marchands protègent leurs villes d'enceintes fortifiées. C'est cela qu'on appelle "bourg", d'une racine germanique qui signifie "garder", "abriter" (cf. "bergen" en allemand). Ainsi se constitue ce que l'on va appeler la bourgeoisie. Il s'agit à l'origine de ceux qui habitent les bourgs commerciaux, surtout des marchands mais aussi des artisans qui fabriquent les biens dont les marchands organisent ensuite l'échange.

Il est significatif que, dans les pays nordiques, l'équivalent des "bourgs" français est désigné par des mots dérivés du verbe "acheter", d'où les "købing" du Danemark, les "köping" de Suède, les "kjøping" de Norvège et les "kaupunki" de la Finlande, où le mot a fini par désigner n'importe quelle ville.

Alors que la vieille noblesse avait été portée par un idéal militaire, la nouvelle classe bourgeoise a des intérêts très différents. C'est la prospérité matérielle, l'accumulation de richesse qu'elle recherche avant toute chose. L'abondance matérielle lui donnera aussi le goût du luxe, d'où l'essor de l'art, de la culture.

Tandis qu'elle enviera la position de pouvoir politique de la noblesse, celle-ci enviera l'aisance matérielle et le pouvoir économique de la bourgeoisie.

Inévitablement, ces deux classes finiraient par s'unifier.

Assez vite, les plus riches bourgeois purent acheter l'anoblissement aux rois. A l'ancienne noblesse d'épée, abaissée à s'occuper à des questions de préséance de tabouret, s'ajouta une noblesse de robe qui convoitait les charges publiques bien rémunératrices.

C'est la bourgeoisie restée roturière qui fut la force sociale agissante pour préparer et accomplir la révolution française. Son but était de conquérir le pouvoir politique auquel la compartimentation sociale de l'Ancien régime lui barrait la route alors qu'elle s'aigrissait de constater que le pouvoir économique que lui assurait les fortunes qu'elle avait amassées ne suffisait pas à lui en donner librement l'accès.

Après l'intermède napoléonien qui reconstitua brièvement une noblesse militaire, ce qu'elle avait été essentiellement à l'origine, la Restauration puis les républiques successives furent le cadre de l'absorption de ce qui subsistait de noblesse dans la bourgeoisie. 

Depuis, c'est bel et bien l'argent et rien d'autre qui est le critère fondant et fédérant la classe dominante en France.

Si l'on y réfléchit bien, c'est exactement la même évolution que nous vivons au niveau mondial où une caste de quelques ploutocrates immensément riches cherche à s'emparer du pouvoir politique et de la gouvernance mondiale.

L'histoire est un perpétuel recommencement.

 

  

 




 

 

 


 

 


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